lundi 14 septembre 2009

J'ai découvert George Steiner il y a peu. Je suis partagée entre la peine que ça me fait, tout ce retard, et le soulagement de connaître enfin cet auteur. Je dis soulagement, car lire ses propos, connaître un petit peu sa pensée, me donne l'impression d'être un peu plus armée dans la vie et ses dilemmes. C'est pour moi rafraichissant et rassurant, l'idée qu'un homme qui a dû échapper au génocide, puisse affirmer du haut de ses 79 ans, « La haine me fatigue ». Impossible pour moi de ne pas penser à Etty Hillesum et sa foi dans la vie. Foi, lucidité et érudition, synonyme pour moi de la philosophie de George Steiner.

Je me permets de retranscrire un propos tenu par Steiner dans le magazine Philosophie du mois de juillet 2009.

Si vous deviez décrire à un jeune étudiant d'aujourd'hui ce qu'est un classique, que lui diriez-vous?

Je lui dirais qu'il y a des textes – et c'est assez mystérieux -qui, chaque fois que nous y revenons, sont plus riches qu'avant. Des textes que nous lisent plus que nous les lisons. Des textes qui changeront pour lui au cours de sa vie. Qui vont produire en lui une sorte de croissance, l'écho intérieur d'un dialogue. Être inépuisable est l'un des critères du classique. C'est pour cela qu'il est essentiel d'apprendre par cœur. Ce que vous avez appris par coeur change en vous et vous change. Et personne ne peut vous l'enlever, ni la Gestapo, ni le KGB, ni la CIA: c'est en vous, cela vous appartient. Les poèmes d'Ossip Mandelstam ont survécu dans et grâce au « par cœur » La psychologie enfantine m'horripile quand elle affirme qu'il ne faut pas charger la mémoire des enfants. Je dois tout au système du lycée français, où on apprenait tout par cœur. Je connais encore par cœur certains textes classiques, et la joie que j'en retire est constante. Enlever cette possibilité à l'enfant, c'est l'amoindrir, laisser en lui des espaces vides qui ne demandent qu'à être habités. L'expression est d'ailleurs significative: on ne dit pas « par cerveau » mais « par cœur ».


Je ne suis ni cassé, ni volé

Mais seulement démesuré -déboussolé

Mes cordes sont tendues comme la Chanson d'Igor

Et dans ma voix, après l'asphyxie,

Résonne la terre, mas dernière arme

La sèche moiteur des hectares de terre noire


(Mai-Juin 1935 – Ossip Mandelstam)


Le livre de Robert Littel, L'hirondelle avant l'orage: le poète et le dictateur s'inspire et raconte la vie de ce poète russe qui a été soumis et arrêté par le régime de Staline.


Cette semaine je serai ravi de mettre en ligne quelques amis qui on pu réciter « par cœur » des textes pour eux mémorables. A suivre.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire